TROUVER LA LIBERTÉ DE NOTRE CARACTÈRE CACHÉ

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DERRIÈRE LES COSTARDS, LES GANTS DE BOXE ET LES CASQUES DE PROTECTION, SE TROUVE CHEZ BEAUCOUP D'HOMMES UNE PIÈCE SOMBRE ET CACHÉE.

Dans cette pièce, étouffé de honte, se trouve un enfant solitaire, confus et effrayé, qui cherche désespérément à donner un sens à la perte de son innocence. La porte qui lui permettrait d'échapper à la douleur reste fermée et ignorée. Le refus de visite et la privation de nourriture sont la punition de ses mauvaises décisions. Comme sur une scène de crime, du ruban adhésif barre la porte pour protéger l'enfant et les autres de tout danger. Pendant des années, cet enfant reste caché sous le poids accablant du jugement de soi et de la honte. Désespérément affamé et affaibli, il est prêt à se contenter de miettes, même si elles ne peuvent apaiser sa faim et ses soupirs intérieurs qu'un court instant. Jour après jour, semaine après semaine, année après année, il apprend à se contenter du strict minimum. Parce qu'accéder à l'abondance signifierait d'ouvrir la porte, de faire la lumière sur ce prisonnier oublié depuis longtemps, à l'apparence et aux exériences tellement effrayantes pour ceux du dehors qu'ils pourraient bien le fuir et ne jamais revenir.

Quelque part entre mes 7 et 9 ans, d'après mes souvenirs, je me suis retrouvé impliqué dans une relation sexuelle avec un autre garçon de mon âge. Cette révélation, choquante pour beaucoup, peut sembler banale dans la culture d'aujourd'hui, mais en tant qu'enfant des années 80, ça semblait beaucoup moins courant. Pour un jeune garçon qui ne savait pas à qui parler, ni même de quoi parler, j'ai porté tout seul la honte de cette expérience pendant de nombreuses années.

Lorsque j'ai franchi le cap de l'enfance à l'adolescence, j'ai rencontré un pasteur jeunesse particulièrement obstiné, qui venait de l'église que fréquentait ma famille. Il refusait quasi odieusement de baisser les bras, tandis qu'il se présentait chez moi tous les mercredi, des semaines durant, pour m'inviter au groupe de jeunes. Après avoir sapé ma volonté et épuisé mes "non", il a fini par obtenir mon "oui". Une grande partie de ma résistance s'ancrait dans la peur et dans la certitude que personne, surtout pas un inconnu, ne pouvait se soucier de moi. Si les gens autour de moi savaient, ils ne seraient pas si enclins à vouloir me côtoyer.

Au terme d'une série d'événements, je me suis retrouvé dans mon premier camp chrétien, où j'ai fait la connaissance du Créateur et de son amour inconditionnel, qui m'avait poursuivi jusque dans la jungle épaisse de ma haine de moi. Au cours d'une expérience que les mots ne pourraient décrire, je me suis trouvé pour la première fois libéré de cette honte suffocante et digne d'une certaine forme d'amour.

Ce que j'ai à partager ne relève pas tant de ma foi ou de mon expérience sexuelle, que de ma dissimulation. Dans ma vie personnelle et dans ma carrière de thérapeute, j'ai croisé de nombreux hommes qui ont subi des traumatismes sexuels dans leur enfance. Pour la plupart, ça a débouché sur une part d'eux-mêmes qu'ils préfèrent garder cachée à jamais

Cette dissimulation englobe tout ce qui pourrait, selon nous, amener les autres à nous rejeter, nous codamner, nous dénigrer ou nous tourner en dérision. Au coeur de la dissimulation se trouve la conviction de n'être ni acceptable, ni aimable, et de mériter la punition. Un indice qu'une chose est cachée est l'évitement à tout prix d'y penser. Si nous nous arrêtons un seul instant sur la question, nous grimaçons et nous fuyons immédiatement en pensant à des choses du genre : "Si seulement ils savaient".

Si je devais résumer la dissimulation en un seul mot, je l'appellerais simplement "honte", mais pour beaucoup, le mot "honte" est très mal défini. Je dis souvent aux gens qu'ils ont de la honte dans l'un ou l'autre domaine et cela les déconcerte complètement. Ils ne sont généralement pas d'accord. Leur réaction ressemble beaucoup à du déni, mais presque toujours, il s'agit simplement d'un manque de compréhension de ce mot.

Il y a quelques années, j'avais un ami proche, que nous appellerons Mark (ce qui n'est donc pas son vrai nom). Un jour, alors que Mark et moi étions ensemble en train de plaisanter sur la vie, j'ai eu un pressentiment. J'ai entendu une voix intérieure me dire que Mark avait eu une relation sexuelle avec un autre petit garçon lorsqu'il était enfant. Presque rudement, j'ai regardé Mark dans les yeux et, alors que nous étions en train de faire les clowns sur tout et n'importe quoi, je lui ai dit : "Tu as eu des relations sexuelles avec un autre petit garçon quand tu étais enfant et tu l'as toujours caché". Le visage de Mark,  un jeune homme de couleur, est devenu brusquement très pâle, alors qu'une boule de terreur le prenait à la gorge et qu'il luttait frénétiquement pour l'avaler.

Sous le choc, Mark m'a regardé en silence. J'ai recommencé à parler. "C'est bon Mark, tu n'as plus à te cacher. La même chose m'est arrivée quand j'étais petit. Je ne vais pas te juger." Je n'ai rien caché de mon passé. J'ai été honnête dans tous les détails et j'ai subtilement préparé un terrain d'atterrissage pour que Mark puisse venir se poser en toute sécurité dans mes bras, alors que ses yeux se remplissaient de larmes et qu'il me racontait son histoire. En le prenant dans mes bras, j'ai étouffé la honte qui l'avait rendu muet depuis tant d'années. Ma compréhension et mon acceptation ont été la validation dont il avait besoin pour se sentir aimé pour la première fois dans cette région secrète. Malheureusement, pendant la plus grande partie de la vie de Mark, cette chape de silence et de jugement de soi l'ont laissé avec un profond sentiment d'être pris au piège, seul, non aimable et non connu.

J'ai découvert que, en tant qu'êtres humains, notre plus grand désir est de nous sentir vus et entendus, ou autrement dit, "connus". Lorsqu'une partie de nous reste prise dans la dissimulation, nous ne pouvons jamais être pleinement connus, et sans être connus, nous ne pouvons pas nous sentir pleinement aimés. C'est en sortant courageusement des ténèbres où nous avons été piégés par le jugement de soi que nous ouvrons la voie à l'amour pour venir terrasser les mensonges qui nous tenaient éloignées de Dieu, de la vie, de notre famille, etc.

Pour Mark, l'un des principaux fondement de sa dissimulation était son expérience sexuelle durant son enfance, comme ce fut le cas pour moi. Pour certains, il s'agit d'une addiction sexuelle, sous quelque forme. Pour d'autres, ce sont des désirs ou un mode de vie homosexuels, un mensonge, de la tromperie, le fait d'avoir abusé de quelqu'un ou d'avoir été abusé, un passé violent, la toxicomanie et l'alcoolisme, une dépendance au jeu, un viol, des peurs déraisonnables, le vol, des troubles alimentaires, la masturbation, une dépendance à la nourriture, la classe sociale d'où l'on vient, ou simplement des pensées obscures socialement inacceptables. Ce ne sont là que quelques-unes des nombreuses raisons qui nous poussent à envelopper notre cœur de honte et à tenir le monde extérieur dans l'ignorance de la vérité de notre expérience.

Suis-je en train de dire que nos secrets les plus cachés devraient soudainement être affichés sur tous les réseaux sociaux ? Non ! Mais pour ceux qui font partie de notre cercle d'amis intimes, nous devrions toujours repousser les limites de ce qu'on sait de chacun d'entre nous. Nous devrions avoir la capacité de nous pardonner de telle façon que les chaînes de la honte se brisent et cessent de nous ligoter.

Vous vous dites peut-être : "Les gens qui m'entourent ne sont pas dignes de confiance. Ils l'utiliseront pour me blesser, me juger, me condamner et/ou me couvrir de honte encore plus". Si c'est VRAIMENT le cas et que c'est fondé sur un cas avéré, et non sur une supposition ancrée dans la peur, alors, dans votre manque d'estime de vous-même, vous avez choisi l'amour que vous pensiez mériter. Les relations ne sont pas le fruit du hasard. Elles sont un choix. L'amour que vous croyez mériter se manifeste dans le choix des personnes que vous faites entrer dans votre sphère d'influence personnelle. Des amitiés dangereuses et destructrices sont un signe que vous devez immédiatement réévaluer vos croyances sur vous-même, ce que vous méritez, et opérer un changement de cap important dans vos relations.

Si, après avoir évalué vos relations, vous découvrez que votre appréhension n'est pas vraiment justifiée, vous pouvez en conclure que c'est la peur qui vous tenait dans la dissimulation et qu'il est temps de l'affronter en vous ouvrant de manière vulnérable à quelqu'un de votre sphère intime pour expliquer ce qui vous a pris au piège.

Lorsqu'il s'agit de mes clients, une des premières tâches que je leur confie est de créer une bonne communauté. Je définirais brièvement cette communauté comme le fait d'être en relation avec des personnes avec lesquelles nous recherchons délibérément à construire une amitié saine, honnête et ouverte, où se développe une vulnérabilité mutuelle. S'ils en sont dépourvus, je leur demande d'écrire et de définir à quoi ressemblerait un ami idéal et sain sur le plan émotionnel. Si vous n'arrivez pas à définir ce que vous voulez, vous êtes voué à être ballotté par la vie et les relations, répétant les mauvaises décisions de votre passé.

Au début de cet article, j'ai décrit un enfant enfermé dans une pièce qui, s'il était un "vrai" être humain, serait certainement considéré comme maltraité par les services sociaux qui le trouveraient dans cet état. Cet enfant est notre cœur. Les parties de lui que nous tenons dissimulées sont une déclaration à l'enfant qu'il n'est pas aimable. Ce qui nourrit cet enfant, c'est l'acceptation. Sans acceptation de soi, l'enfant est affamé et ne se développe jamais complètement, par manque des nutriments nécessaires.

Pendant des années, j'ai gardé au fond de moi des zones de mon cœur cachées, à l'instar de celles de Mark. Je vivais dans un état de tourment dû aux sentiments de rejet, d'abandon et de haine de soi. J'ai pris certaines décisions dans la vie justement pour essayer de prouver que j'avais une quelconque valeur. J'étais amer, rancunier et haineux envers les autres. J'étais terrorisé par la peur; peur de l'échec, du rejet, de la douleur et de l'incompréhension, pour n'en citer que quelques-unes. Mes rêves pour le futur et mes décisions de vie étaient tous freinés et limités à cause de mes secrets et de la peur qu'ils alimentaient en moi.

L'une des plus grandes vérités que j'ai découvertes est que la peur est la muraille qui nous sépare du destin pour lequel nous avons été créés. La plénitude de notre personnalité, de notre créativité et de nos désirs existe au-delà de ce mur. Ses fondations reposent sur le jugement de soi qui nous enferme dans l'ombre. Peu importe à quel point je suis aimé ou détesté par mon entourage, c'est moi le gardien du portail par lequel entrent des mensonges malsains, ou des vérités d'amour à propos de cet enfant qui est en moi, et qui soit le gardent piégé par mon propre jugement, soit le libèrent par l'acceptation.

Si nous voulons un jour atteindre le potentiel de ce pour quoi nous avons été créés en tant que maris, pères, frères, fils, artistes et leaders, nous devons commencer par affronter cette muraille effrayante, la défoncer et faire la lumière sur cet enfant caché. Nous devons l'embrasser, lui pardonner et l'aimer, même là où il semble ne pas le mériter. Ce n'est qu'alors que nous aurons vraiment la liberté de vivre victorieusement et authentiquement comme ce pour quoi nous avons été créés.